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>> de l'établir à vos dépens. Je l'avois con >> fiée à mon Procureur; sa mere étoit >> mariée; & je l'engageai à l'élever com>> me sa propre fille. Je suis venu plu>> sieurs fois la voir en secret. Il me dit >> qu'il l'avoit envoyée en France dans >> un couvent de Religieuses Angloises. >> Je lui remboursai ce qu'il lui en avoit >> couté pour son voyage, pour fon novi>> ciat & pour sa réception. Il m'apprit >> quelque temps après qu'elle étoit morte. * Eh quoi! vous voilà donc, ma chere >> Charlotte, continua le pere en l'embraf>> sant. Je suis votre pere; & il faut affu>> rément que ce prétendu pere ait eu ses >> vûes pour me demander tout à la fois ce >> qui auroit pu contribuer à le faire fub>> sister pendant plusieurs années ».

Tous furent furpris d'un accident aussi extraordinaire. Le pere fut sur le point de succomber à sa joie, & les enfants à leur chagrin. Son carrosse l'attendoit au bout de l'allée. Il remit à un autre temps la visite qu'il avoit à faire dans le village, il les reconduisit chez lui, & ils ne se séparerent plus, jusqu'à la mort du pere.. Charlotte hérita quelque temps après de - fon frere, & reçut la récompense qui étoit due à sa vertu.

HISTOIRE XV.

La trop grande confiance eft dan-
gereuse.

LA personne qui accompagna l'heureuse Charlotte à Marybon, la premiere fois qu'elle lia connoissance avec Florio, avoit partagé sa mauvaise fortune, & cette généreuse fille voulut qu'elle eût parr au bonheur qui venoit de lui arriver. Elle engagea fon pere & fon frere à la prendre chez eux; & ils eurent pour elle les mêmes égards & les mêmes complaisances que fi elle leur avoit appartenu. Les jardins du Temple, près desquels logeoit le prétendu pere de Charlotte, étoient ouverts à tous ceux qui vouloient s'y proinener ; & comme ils font extrêmement solitaires, ils étoient plus souvent fréquentés par les malheureux que par aucune autre perfonne que ce fût.

Charlotte avoit coutume de s'y rendre, & ce fut là qu'elle fit connoissance avec Délie. Sa physionomie l'intéressa, & elles lierent conversation ensemble. Il étoit naturel qu'elles s'entretinssent de leurs hi

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stoires, mais Charlotte n'en avoit aucune à raconter. Elle savoit seulement qu'elle avoit à faire à un pere rigide, qui lui faifoit sentir tout le poids de fon autorité, sans lui donner aucune marque de fa tendresse. Délie avoit beaucoup plus de choses à dire, quoiqu'elle n'eût encore que dix-sept ans.

Elle se rapelloit le temps où l'antichambre de fon pere étoit remplie de gens qui venoient lui faire leur cour; où fon buffet étoit couvert de vaisselle, & fes amis traités comme auroient pul'être ceux d'un Prince. Elle se rappelloit le temps où il partit pour la Flandre à la tête de fon Régiment; celui où elle reçut la nouvelle de fa mort; où sa mere avoit été obligée de faire un abandon de ses biens à ses créanciers, & s'étoit vue réduire à une penfion de la Cour. La mere étoit morte, & elle se trouvoit fans appui, & réduite à chercher une place pour subsister. Deux filles aussi malheureuses ne tarderent point à sympathiser ensemble. Charlotte partageoit aveo elle le peu qu'elle avoit, juf qu'à la subsistance que Florio lui avoit procurée. Elle en fit fon amie & fa confidente, & l'encouragea à persister dans lavertu.

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On ne fauroit concevoir quel fut l'éton nement de Délie, lorsqu'elle apprit la fortune de fon amie. Celle-cil'invita bientôt à la venir partager. Elle rencontra le messager qui venoit la chercher; elle fût reçue dans la famille, & le pere fut ravi d'obliger une fille qu'il aimoit, & de faire une œuvre méritoire. Délie resta chez lui jusqu'à sa mort. Il demanda permission à fon fils de lui affurer une pension. Elle continua de demeurer chez eux, & ce fut elle qui prit soin de Florio pendant la maladie dontil mourut.

Charlotte se trouva par la mort de fon frere maîtresse absolue de tous les biens dont il jouiffoit, Délie, quoiqu'indépendante, demeura attachée à fon amie par un lien beaucoup plus fort que celui de l'intérêt. Elles prenoient plaisir à s'entretenir de leurs malheurs paffés; elles se félicitoient réciproquement d'en être délivrées; elles se faifoientestimer par leurs vertus, & admirer par leur amitié.

Charlotte avoit véritablement aimé fon frere; elle avoit senti cette passion pour lui dans toute sa pureté, avant qu'elle fut qu'elle lui étoit unie par les liens du fang. Elle avoit toujours désespéré de pouvoir

la fatisfaire, d'abord à cause de la difproportion de leur fortune, & enfuite à cause de leur alliance. L'Amour n'est peut-être jamais si violent, que lorsqu'on désespere de le contenter. La passion qu'elle avoit conçue pour l'aimable Florio, lui inspira du mépris pour les autres hommes, après même qu'elle fut qu'elle avoit changé de nature. Elle résolut après sa mort de ne jamais se marier.

Délie aimoit tellement sa généreufe amie, qu'elle avoit adopté jusqu'à ses pafsions & ses façons de penser. Elle conçut à fon exemple de l'averfion pour le mariage, d'autant plus qu'elle en avoit vû les fuites dans sa malheureuse famille. Sa fortune étoit aisée, & quand même elle auroit été moindre, elle lui auroit fuffi, vû la manière dont elle vivoit avec Charlotte. Elles avoient renoncé au monde, fans s'informer si elles avoient raison ou non de le faire; il y avoit plusieurs années qu'elles n'avoient point été à Londres, & elles n'avoient aucune envie de le revoir. Le village où elles vivoient, étoit éloigné du commerce du monde; elles étoient chéries & adorées des habitants. Elles lierent connoissance avec le Recteurdulieu;

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