elles étoient affidues au Prêche, & édifioient toute la parroisse par leur exemple. Elles voyoient peu de monde; elles paffoient leur temps à la lecture; & comine leur fortune alloit au-delà de leur dépense, il y avoit peu de personnes qui ne se reffentissent de leurs bienfaits. On ne s'entretenoit que de nos jeunes récluses, (c'est ainsi qu'on les appelloit); on les respectoit généralement, à cause de l'innocence de leurs mœurs, & l'on ne pouvoit se persuader, vû les auınônes qu'elles faifoient, qu'elles ne jouissent d'une fortune confidérable. Markneal, Ecuyer, cinquiéme fils d'un marchand drapier du Nord de l'Irlande, vint dans ce temps-là à Londres, sur l'invitation que lui firent quelques-uns de fes compatriotes, qui s'étoient associés dans cette ville pour le bien de la nation. M. Markneal avoit fix pieds quatre pouces de haut, étoit très-bien fait de sa personne, & avoit toutes les manières d'un vrai gentilhomme. Il avoit appris les langues & fait tous ses exercices. Il compofoit des chanfons amoureuses, il dansoit & faifoit des armes mieux peut-être qu'aucun homme que ce fût. On ne doutoit point que de pareilles qualités ne lui procurassent un bon accueil auprès des dames; aussi la Société avoit-elle eu soin de l'équiper pour l'expédition qu'elle méditoit. Un bon pêcheur ne s'amuse point à pêcher à la ligne dans un foffé, lorsque la riviere n'est qu'à un demi mille de là. Notre Ecuyer avoit ordre d'aller joindre un gentilhomme de fortune à Windsor, lequel devoit l'introduire à Londres. Il s'y arrêta quelque temps pour exécuter cette partie de sa commiffion. Il y fut très-bien & ayant appris, entr'autres nouvelles d'Angleterre, qu'il y avoit à quelques milles de-là, deux femmes qui jouissoient d'un bien considérable, il résolut de tenter fortune auprès d'elles; mais ayant fu qu'il auroit de la peine à être admis, il prit une lettre de recommandation pour le curé. M.Markneal ne s'endormit point. Il fit feller fon cheval, il passa deux heures à se raser & à se friser, & partit à l'entrée de la nuit. Ses camarades crurent qu'il avoit perdu l'esprit, mais ils revinrent de leur erreur, lorsqu'ils reçurent une lettre le lendemain, par laquelle il les invitoit à venir le joindre chez les da mes dont j'ai parlé, 1 1 Marckneal étoit un de ces homines à fit qui la faim inspire du courage. Il comprit. la néceffité où il étoit de réuffir dans un amour ou dans un autre; celui-ci lui parut favorable, & il résolut de pouffer fa fortune. La muraille de leur jardin étoit fur le grand chemin. Il vit fon héritage, mais la difficulté étoit d'y entrer. Il mit pied à terre; il se cogna la tête contre une pierre; il déchira ses habits, & fe une bleffure au bras. Il lâcha enfuite fon cheval, & se mit à jetter les hauts cris. Une bonne femine qui logeoit dans une chaumiere peu eloignée, accourut à son secours. Il la pria de le conduire dans la maison la plus voisine, quelle qu'elle für. Là dessus, fon mari & fon fils le menerent chez Charlotte, à qui ils dirent que c'étoit un gentilhomme qui étoit tombé de cheval, & qui la prioit de le recevoir, pour qu'il pût se faire panfer. Nos dames étoient si peu versées dans les intrigues du monde, qu'elles ne se douterent aucunement du fait, lors furtout qu'elles le virent. Markneal ne s'étoit point épargné; il étoit couvert de fang depuis la tête jusqu'aux pieds. Elles furent chercher leurs onguents & leurs / emplâtres. Il avoit une plaie considérable à la tête, & pendant qu'elles le panfoient, elles envoyerentun valet à Windfor pour faire venir un chirurgien. Le malade étoit resté évanoui pendant un quart d'heure. Il reprit peu à peu fes fens, & remercia les dames du soin qu'elles prenoient de lui. Voyant qu'il étoit hors d'état d'être transporté, elles lui firent préparer un lit, fi bien qu'au bout d'une heure, l'amant se trouva dans l'état qu'il desiroit. Le chirurgien le panfa. Les dames ne purent se trouver présentes; mais elles jugerent au sang qu'il avoit répandu, qu'il falloit que fa bleffure fût dangereuse, & le chirurgien les entretint dans cette opinion, en leur disant qu'il n'en avoit jamais vu de pareille. Elles compatirent beaucoup à fon état. Elles ordonnerent à une vieille servante de le garder pendant la nuit, & envoyerent savoir de temps en temps comment il fe portoir. Elles furent le voir le tin, mais elles ne voulurent point permettre qu'il parlat, ni qu'il ouvrit les rideaux de fon lit. Il les remercia beaucoup de leurs bontés, & elles le prierent de refter jusqu'à ce qu'il fût parfaitement guéri. 1 ma 1 Voyant que tout réuffissoit au gré de ses desirs, il les pria de vouloir bien permettre que ses ainis le vinssent voir. II envoya un domestique à Windfor, pour leur donner avis de l'accident qui lui étoit arrivé. Il l'adressa à un homme que les dames connoiffoient pour être extrêmement riche. Il étoit au fait de son projet, & par conféquent disposé à le seconder. Markneal savoit que tout dépend de la premiere impression. Il donna cinq guinées à la fervante qui l'avoit fervi. On retrouva le cheval quelque temps après; son ami arriva, Charlotte le conduifit elle-même dans la chambre où il étoit ; & ayant appris qu'il étoit sur son séant, elle entra avec lui. Il feignit d'être surpris de l'état où il le voyoit. Que va dire votre pere, s'écria - t -il, lorsqu'il apprendra cette nouvelle ? Quel creve-cœur pour lui? Comment cet accident vous est-il arrivé? Après lui avoir fait mille autres. questions pareilles, il retomba fur le chapitre du pere. Il parla du vieux Drapier comme d'un homme qui jouissoit de quatre mille livres sterling de rente, qui étoit âgé d'environ quatre-vingt-dix ans, • & qui aimoit passionnement fon fils. Pour |