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nant que des gens qui ne la connoisfoient pas s'y mépriffent.

Braggemploya mille faux fuyants pour sauver les apparences; car il ne pouvoit nier qu'il ne la connût. On le foupçonna de faire sa cour à une autre femme, & l'on rabattit beaucoup de l'estime qu'on avoit pour lui. Il résolut donc de n'avoir plus aucun commerce avec une femme qu'il haissoit vraisemblablement, comme l'auteur d'une ruine dont il avoit échappé comme par une espece de miracle, & qui le replongeoit dans un nouvel embarras. Il avoit concerté une histoire affez vraifemblable, & il ruminoit fyllabe par fyllabe la lettre qu'il se proposoit d'écrire au pere de la demoiselle, lorsqu'on vint lui dire qu'un homme demandoit à lui parler dans un cabaret voisin. Il lui fut aifé de deviner que c'étoit le pere de fa maî treffe; il fut fâché de n'avoir pu coucher son histoire par écrit; il s'en rappella chemin faisant les circonstances les plus efsentielles; mais quelle fut sa surprise, lorfqu'il trouva en entrant cette même femme dont l'apparition lui avoit été si funeste! il voulut fortir, mais elle l'en em, pêcha. Elle fondit en larmes, elle le re

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tint par le bras, & le conjura de vouloir écouter ce qu'elle avoit à lui dire..

Ces fortes de femmes font ordinairement diffimulées; elles connoissent par expérience toutes les avenues du cœur humain. Bragg étoit extrêmement fenfible, &, qui plus eft, il n'avoit aucune expérience. Il prêta l'oreille à ses difcours séducteurs; il sentit renaître sa passion pour elle; il l'écouta, & il retomba dans ses fers. Il ne pouvoit être long-temps absent; ils se quitterent, avec promeffe de se revoir le foir. Ce jeune homme aveuglé vit le précipice devant lui, & y tomba. Au lieu de faire ses excules à la famille, il avoua l'engagement qu'il avoit, & pour juftiter sa perfidie, il prétendit, qu'outre la fortune de sa dame, qui étoit fort fupéricure à celle de sa derniere maî treffe, il avoit pris avec elle des engagements qu'il lui étoit impossible de rompre.

Dès ce moment, tous ceux qui le connoiffoient, conçurent du mépris pour lui, Sa maîtreffe fut la seule qui lui resta attachée.

Il étoit impossible au jeune homme de vaquer à ses affaires depuis l'attachement qu'il avoit conçu pour cette méchante

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créature. Il les négligea, & fon maître commença à se défier de lui. Il le foupçonna d'avoir une intrigue; il la découvrit, & le fomma de lui rendre ses compres. Bragg n'avoit pu fournir à ses dépen ses que par les mêmes moyens qu'il avoit employés la premiere fois. Il se trouva debiteur d'une somme considérable; le maître en fut furpris; le jeune homme prétendit s'être trompé dans fon calcul, il lui promit de revoir ses comptes, & les chofes en resterent là.

Le jeune homme avoit encore dans sa poche une partie de l'argent qui manquoit, il l'avoit mis de côté pour fubvenir aux dépenses imprévues. La raison lui fit fentir qu'il étoit de fon intérêt d'abandonner une cause capable de le perdre. Il fut tenté de le rendre, d'avouer sa faute, de changer de conduite, & d'engager ses parents à fuppléer à ce qui manquoit. Sa faute lui parut pardonnable, & il ne désespéra point de rentrer dans les bonnes graces de fon maître. Il savoit que la demoiselle l'aimoit encore; il réfulut d'aller se jetter à fes pieds, & de faire revivre ses prétentions, ne doutant point qu'elles ne fussent bien reçues.

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Cette démarche étoit prudente, mais l'orgueil s'y opposa. La ressource du jeu lui étoit encore ouverte, & le souvenir de ses succès paffés, l'engagea à tenter une seconde fois la fortune. Il y a des gens qui font nés heureux, & que leur bonne fortune accompagne dans toutes les circonstances de leur vie. Bragg hazarda une fomme considérable, & il eut le bonheur de gagner comme la premiere fois. Ce succès lui donna une nouvelle tournure d'esprit. Il oublia les malheurs dans lesquels il étoit tombé, & ne fongea plus qu'à vivre dans l'indépendance. Il remboursa à fon maître ce qu'il lui devoit; il se plaignit hautement du tort qu'il avoit fait à sa réputation, & finit par lui dire qu'il ne vouloit plus rester avec lui.

Ce fut alors pour la premiere fois qu'il prit ouvertement sous sa protection la créature qui l'avoit séduit. Il lui lona un appartement à Pall-mall, il l'habilla en femme de qualité, & oublia entiérement la personne qu'il avoit aimée. Le jeu lui parut un moyen plus propre pour s'enrichir que le commerce, & il ne douta point que la fortune ne continuât de le favorifer. Tome II.

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Un moyen für de gagner est de risquer beaucoup; c'est la maxime des joueurs, mais il y a des gens à l'égard desquels elle se trouve fauffe, parce qu'ils font moins heureux que d'autres. Bragg continua de jouer, & la fortune le favorisa. Ceux qui connoiffoient les finesses du jeu, voyant sa bonne fortune, s'attacherent à lui, & la partagerent en lui faisant part de leurs secrets. Il y a dans ces coups de bonheur quelque chose qu'on ne peut définir, encore qu'ils foient vrais. Ils n'ont lieu à l'égard de certaines gens que par intervalles, mais ils ne se démentirent jamais par rapport à Bragg. Il gagnoit également à toutes fortes de jeux; l'argent croifloit à vue d'œil sous fes mains, parcequ'il fut s'affurer dans la fuite par fon adresse, un gain qu'il ne devoit auparavant qu'au hazard.

Tous les jeunes joueurs ont coutume de perdre la tête, lorsque la fortune les favorise. Parmi les principes de l'art, Bragg avoit reçu plusieurs leçons d'économie. Sa maîtresse étoit ce qui lui coûtoit le plus, mais il avoit cela de commun avec beaucoup d'autres. Elle lui enlevoit tout ce qu'il gagnoit; elle lenga

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