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«rent tranquillement sur la couche qu'ils ont ravie

« à la veuve et à l'orphelin; mais où vont-ils ?

« L'insensé a dit dans son cœur: «Il n'y a point

« de Dieu!»> Que Dieu se lève! que ses ennemis

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« soient dissipés ! Il s'avance : les colonnes du ciel << sont ébranlées; le fond des eaux et les entrailles <<< de la terre sont mis à nu devant le Seigneur. Un feu dévorant sort de sa bouche; il prend son vol, « monté sur les chérubins, il lance de toutes parts << ses flèches embrasées! Où sont-ils les enfants des « impies? Sept générations se sont écoulées depuis « l'iniquité des pères, et Dieu vient visiter les en<«<fants dans sa fureur; il vient au temps marqué punir un peuple coupable; il vient réveiller les « méchants dans leurs palais de cèdre et d'aloès, et << confondre le fantôme de leur rapide félicité.

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« Heureux celui qui, passant avec larmes dans les « vallées, cherche Dieu comme la source des béné«<dictions! Heureux celui à qui les iniquités sont

pardonnées, et qui trouve la gloire dans la péni<«tence! Heureux celui qui élève en silence l'édifice « de ses bonnes œuvres, comme le temple de Salo«< mon, où l'on n'entendoit ni les coups de la cognée, <«< ni le bruit du marteau, tandis que l'ouvrier res«pectueux bâtissoit la maison du Seigneur. Vous << tous qui mangez sur la terre le pain des larmes, « répétez à la louange du Très-Haut le saint cantique :

>>

« Gloire à Dieu, dans les hauteurs du ciel!»

SOMMAIRE.

Cyrille, la famille chrétienne, Démodocus et Cymodocée, se rassemblent dans une île au confluent du Ladon et de l'Alphée, pour entendre le fils de Lasthénès raconter ses aventures. Commencement du récit d'Eudore. Origine de la famille de Lasthénès. Elle s'oppose aux Romains lors de l'invasion de la Grèce. L'aîné de la famille de Lasthénès est obligé de se rendre en otage à Rome. La famille de Lasthénès embrasse le christianisme. Enfance d'Eudore. Il part à seize ans pour remplacer son père à Rome. Tempête. Description de l'Archipel. Arrivée d'Eudore en Italie. Description de Rome. Eudore contracte une étroite amitié avec Jérôme, Augustin et le prince Constantin, fils de Constance. Caractères de Jérôme, d'Augustin et de Constantin. Eudore est introduit à la cour. Dioclétien. Galérius. Cour de Dioclétien. Le sophiste Hiéroclès, proconsul d'Achaïe, et favori de Galérius. Inimitié d'Eudore et d'Hiéroclès. Eudore tombe dans tous les désordres de la jeunesse et oublie sa religion. Marcellin, évêque de Rome. Il menace Eudore de l'excommunier, s'il ne rentre dans le sein de l'Église. Excommunication lancée contre Eudore. Amphithéâtre de Titus. Pressentiment.

UDORE et CYMODOCÉE, cachés dans un obscur vallon, au fond des bois de l'Arcadie, ignoroient qu'en ce moment les saints et les anges avoient les regards attachés sur eux, et que le Tout-Puissant lui-même s'occupoit de leur destinée ainsi les pasteurs de Chanaan étoient visités par le Dieu de Nachor, au milieu des troupeaux qui paissoient à l'occident de Bethel.

Aussitôt que le gazouillement des hirondelles eut annoncé à Lasthénès le lever du jour, il se hâte de

quitter sa couche, il s'enveloppe dans un manteau filé par sa diligente épouse, et doublé d'une laine amie des vieillards. Il sort précédé de deux chiens de Laconie, sa garde fidèle, et s'avance vers le lieu où devoit reposer l'évêque de Lacédémone; mais il aperçoit le saint prélat au milieu de la campagne, offrant sa prière à l'Éternel. Les chiens de Lasthénès courent vers Cyrille, et baissant la tête d'un air caressant, ils sembloient lui porter l'obéissance et le respect de leur maître. Les deux vénérables chrétiens se saluèrent avec gravité, et se promenèrent ensuite sur le penchant des monts, en s'entretenant de la sagesse antique: tel l'Arcadien Evandre conduisit Anchise aux bois de Phénée, lorsque Priam, alors heureux, vint chercher sa sœur Hésione à Salamine; ou tel le même Évandre, exilé au bord du Tibre, reçut l'illustre fils de son ancien hôte, quand la fortune eut rassasié de malheurs le monarque d'Ilion.

Démodocus ne tarda pas à paroître ; il étoit suivi de Cymodocée, plus belle que la lumière naissante sur les coteaux de l'orient.

Dans le flanc de la montagne qui dominoit la demeure de Lasthénès s'ouvroit une grotte, retraite accoutumée des passereaux et des colombes : c'étoit là qu'à l'imitation des solitaires de la Thébaïde, Eudore se renfermoit pour verser les larmes de la pénitence. On voyoit suspendu au mur de cette grotte un crucifix, et au pied de ce crucifix, des armes, une couronne de chêne obtenue dans les combats, et des décorations triomphales. Eudore

commençoit à sentir renaître au fond de son cœur un trouble qu'il n'avoit que trop connu. Effrayé de son nouveau péril, toute la nuit il avoit poussé des cris vers le ciel. Quand l'aurore eut dissipé les ténèbres, il lava la trace de ses pleurs dans une source pure, et se préparant à quitter sa grotte, il chercha, par la simplicité de ses vêtements, à diminuer l'éclat de sa beauté: il attache à ses pieds des brodequins gaulois formés de la peau d'une chèvre sauvage; il cache son cilice sous la tunique d'un chasseur; il jette sur ses épaules et ramène sur sa poitrine la dépouille d'une biche blanche; un pâtre cruel avoit renversé d'un coup de fronde cette reine des bois, lorsqu'elle buvoit, avec son faon, au bord de l'Achéloüs. Eudore prend dans sa main gauche deux javelots de frêne; il suspend à sa main droite une de ces couronnes de grains de corail dont les vierges martyres ornoient leurs cheveux en allant à la mort : couronnes innocentes, vous serviez ensuite à compter le nombre des prières que les cœurs simples répétoient au Seigneur! Armé contre les bêtes des forêts et contre les attaques des esprits de ténèbres, Eudore descend du haut des rochers, comme un soldat chrétien de la légion thébaine qui rentre au camp après les veilles de la nuit. Il franchit les eaux d'un torrent, et vient se joindre à la petite troupe qui l'attendoit au bas du verger. Il porte à ses lèvres le bord du manteau de Cyrille; il reçoit la bénédiction paternelle, et s'incline, en baissant les yeux, devant Démodocus et Cymodocée. Toutes les roses

du matin se répandirent sur le front de la fille d'Homère. Bientôt Séphora et ses trois filles sortirent modestement du gynécée. Alors l'évêque de Lacédémone s'adressant au fils de Lasthénès:

<< Eudore, dit-il, vous êtes l'objet de la curiosité de la Grèce chrétienne. Qui n'a point entendu parler de vos malheurs et de votre repentir? Je suis persuadé que vos hôtes de Messénie n'écouteront point eux-mêmes sans intérêt le récit de vos

aventures. »>

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la

Sage vieillard, dont l'habit annonce un pasteur des hommes, s'écria Démodocus, tu ne prononces pas une parole qu'elle ne soit dictée par Minerve. Il est vrai, comme mon aïeul le divin Homère, je passerois volontiers cinq et même six années à faire ou à écouter des récits. Y a-t-il rien de plus agréable que les paroles d'un homme qui a beaucoup voyagé, et qui, assis à la table de son hôte, tandis que pluie et les vents murmurent au dehors, raconte, à l'abri de tout danger, les traverses de sa vie ! J'aime à sentir mes yeux mouillés de pleurs, en vidant la coupe d'Hercule: les libations mêlées de larmes sont plus sacrées; la peinture des maux dont Jupiter accable les enfants de la terre tempère la folle ivresse des festins, et nous fait souvenir des dieux. Et toimême, cher Eudore, tu trouveras quelque plaisir à te rappeler les tempêtes que tu supportas avec courage : le nautonier, revenu aux champs de ses pères, contemple avec un charme secret son gouvernail et ses rames suspendues pendant l'hiver au tranquille foyer du laboureur. >>

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