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"nous

de Barthius. Ce dernier, tout en disant qu'on trouve dans les écrits de Macrobe quelques légers indices qu'il professoit la religion des chrétiens (assertion qui me paroît tout au moins hasardée), le place néanmoins au nombre des écrivains païens. Jean Masson se chargea de répondre à Collins, et le fit dans une lettre écrite en anglois, adressée à Chandler, évêque de Coventry, et imprimée à la suite d'un ouvrage de ce dernier en faveur de la religion chrétienne. Masson y établit le paganisme de Macrobe, en faisant voir, qu'à l'imitation de Celse, de Porphyre, de Julien, il s'efforce de laver le polythéisme du reproche d'absurdité qu'on lui adressoit avec tant de justice, et que c'est dans ce dessein qu'il réduit ses nombreuses divinités à n'être plus que des emblêmes, des attributs divers du soleil. Au reste, continue Masson, dont j'analyse les raisonnemens, il ne parle jamais de ces dieux que le vulgaire adoroit, sans marquer qu'il leur rendoit aussi les mêmes honneurs. "Dans nos saintes cérémonies," dit-il, prions Janus.3-Nous adorons Apollon, etc."4 Ces expressions et plusieurs autres semblables se rencontrent fréquemment dans les Saturnales; et certainement s'il eût été chrétien, Macrobe se seroit abstenu de les employer, à une époque où la lutte entre les deux principales religions qui se sont partagé la croyance du monde existoit encore dans toute sa vigueur, et étoit même la passion dominante qui occupoit alors les esprits. On sait d'ailleurs que les premiers chrétiens poussoient si loin le scrupule en cette matière, qu'ils s'abstenoient de manger des viandes qui avoient été offertes aux idoles, et que plusieurs d'entr'eux furent mis à mort pour avoir refusé de participer sous les empereurs païens au service militaire, qui les eût contraint de rendre aux fausses divinités des honneurs qu'ils regardoient comme coupables. Tous les interlocuteurs que Macrobe introduit dans les Saturnales, et qu'il donne pour ses amis et ses plus intimes confidens, témoignent le plus parfait assentiment et la plus sincère admiration pour le systême religieux de Prætextatus: "Quand il eut cessé de parler, tous les assistans, les yeux fixés sur lui, témoignoient leur admiration par leur silence; ensuite on commença à louer, l'un sa mémoire, l'autre sa doctrine, tous sa religion, assurant qu'il étoit le seul qui connût bien le secret de la nature des dieux, que lui seul avoit l'intelligence pour comprendre les choses divines et le génie

Advers. et Comment., liv. 48, ch. 8, colonn. 2258.

A Vindication of the Defence of Christianity, from the prophesies of the Old Testament. London, 1728. in-8vo. On trouve aussi une analyse assez étendue de cette lettre dans le t. 13, p. 434 de la Bibliothèque raisonnée des ouvrages des Savans de l'Europe. Amsterdam, 1734, in-12.

3 Saturnal. 1. 1, ch. 9.

↑ Id., liv. id., ch. 17.

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pour en parler." L'on sait d'ailleurs que Prætextatus étoit prêtre des idoles, comme on le verra plus bas. Quant à Symmaque (qui est aussi un des principaux interlocuteurs des Saturnales), outre qu'il fut grand-pontife, ses écrits contre le christianisme, qui sont parvenus jusqu'à nous, ne laissent aucun doute sur ses opinions. Une présomption nouvelle en faveur du paganisme de Macrobe, c'est le silence absolu qu'il garde sur la religion chrétienne, dont le sujet de ses ouvrages appeloit si naturellement la discussion; s'il ne l'a point abordée, c'est, je pense, par égard pour les sentimens du souverain à la personne duquel il se trouvoit attaché par un emploi important, et qu'il aura craint sans doute de choquer: qu'il me soit permis de faire remarquer, en terminant sur cette question, que les chrétiens parvenus à être les maîtres du pouvoir, n'usèrent point de représailles envers les païens qui naguère les avoient si cruellement persécutés, et que tandis que les diverses sectes de la nouvelle religion déployoient les unes contre les autres toute leur énergie, celle-ci laissa le polythéisme expirer paisiblement de vétusté.

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VI. Maintenant que tous les documens qui nous restent sur la personne de Macrobe sont épuisés, je passe à l'examen de ses Ouvrages; il nous en est parvenu trois le Commentaire sur le Songe de Scipion, les Saturnales, et le Traité des différences et des associations des mots grecs et latins.

COMMENTAIRE SUR LE SONGE DE SCIPION.

Un fragment du 6e liv. de la République de Cicéron, dans lequel Scipion Emilien voit en songe son aïeul l'Africain, qui lui décrit les récompenses qui attendent, dans une autre vie, ceux qui ont bien servi leur patrie dans celle-ci; tel est le texte choisi par Macrobe pour exposer dans un Commentaire divisé en deux livres, les sentimens des anciens concernant le systême du monde. Astronomie, astrologie, physique céleste, cosmologie, métaphysique, telles sont les sections des connoissances humaines sur lesquelles roulent ses dissertations; monumens d'autant plus précieux qu'il est permis de les considérer comme l'expression fidèle des opinions des savans de son temps, sur ces diverses matières. Brucker reconnoît dans ses principes un adepte de la secte platonicienne régénérée; soit lorsqu'il lui voit reproduire la célèbre

1 Saturnal., liv. 1, ch. 24.

2 Deux expressions de Macrobe semblent déceler le Chrétien: Deus omnium fabricator (Saturnal., 1, 7. c. 5), Deus opifex omnes sensus in capite locavit (Id.l. id. c. 14). On doit remarquer néanmoins que ces expressions n'auroient rien d'étrange dans la bouche d'un Néo-platonicien de la fin du 4e siècle.

Trinité de Platon,' soit lorsqu'il lui voit professer la doctrine de l'indestructibilité de la matière, et soutenir qu'elle ne fait réellement que changer de formes, alors qu'elle paroît à nos yeux s'anéantir, soit enfin lorsque Macrobe ne veut voir daus les divinités du paganisme que des allégories des phénomènes physiques. Les connoissances astronomiques qu'il développe dans ce même ouvrage, ont déterminé Riccioli à le compter au nombre des astronomes, et même à consacrer un chapitre de l'Almageste à son systême astronomique.*

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Barthius pense que le Commentaire sur le Songe de Scipion faisoit partie des Saturnales, et il se fonde sur ce qu'il a vu un Ms. de cet ouvrage qui avoit pour titre: Macrobii Th. V. C. et inl. Commentariorum tertia diei Saturnaliorum, liber primus. incipit. "En sorte que, d'après cela," dit-il, "il paroîtroit que la principale division de l'ouvrage de Macrobe étoit celle par journées, dont la 3e auroit été remplie par le Commentaire, dans lequel, en effet, il explique le sens caché de Cicéron, de même que dans les Saturnules, il explique celui de Virgile; il ne seroit pas impossible que quelques paroles qui auroient lié ces deux ouvrages ensemble se fussent perdues, ce qu'on sera plus disposé à croire alors qu'on saura, que tandis qu'il est annoncé, à la fin du ge livre des Saturnales, que le lendemain la réunion doit avoir lieu chez Symmaque, néanmoins la discussion qui commence immé. diatement le 3 liv. a lieu chez Prætextatus. Remarquez d'ailleurs que dans la division actuelle des livres, le troisième et le quatrième en formeroient à peine un, comparés à l'étendue de ceux qui les précèdent et de ceux qui les suivent." Je ferai observer encore à l'appui de l'opinion de Barthius, qu'en tête des deux ouvrages, Macrobe adresse également la parole à son fils, Eustathe; mais il faut remarquer aussi, contre cette même opinion, que tandis que dans les Saturnales il est fait mention fréquemment des interlocuteurs, il n'est jamais question d'eux dans les deux livres fort étendus qui composent le Commentaire sur le Songe de Scipion.

Le grammairien Théodore Gaza a traduit en grec le Songe de Scipion de Cicéron, ce qui a fait croire faussement à plusieurs savans qu'il avoit traduit aussi le Commentaire de Macrobe. La seule traduction de cet ouvrage qui ait été faite jusqu'à présent,

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Id., liv. 2, ch. 12.

3 Id., liv. id., ch. 4. Vid. Historia critica philosophia, a Jac. BRUCKERIO.

Lipsia, 1766-7,6 vol. in-4to, t. 2, p. 356.

4 C'est le ch. 14 de la section 3 du liv. 9, t. 2, p. 282, et suiv.

5 CLAUDIANI Opera, ex editione et cum commentario Casp. BARTHII. Francfort, 1650, in-4to, p. 791.

est la traduction grecque de Maxime Planudes, moine de Constantinople, qui vivoit vers l'an 1327, et à qui l'on attribue plusieurs autres ouvrages, entr'autres les fables connues sous le nom d'Esope. D'après le témoignage de Montfaucon,' il a existé un Ms. de la traduction de Planudes, laquelle, au reste, n'a jamais été publiée, dans la bibliothèque de Coislin, no 35. (olim 504.), et il en existe dans la Bibliothèque du Roi sept, d'après le témoignage du Catalogue. 2

Gronovius, dans ses notes sur le chap. 5. du liv. 2. du Commentaire sur le Songe de Scipion, a publié un fragment considérable de la géométrie d'un anonyme, tiré des Mss. de son père; fragment où Macrobe est cité plusieurs fois, et quelquefois même copié. D'un autre côté Brucker 3 rapporte que le continuateur de l'ouvrage de Bède, de gestis Anglorum, parle d'une Epître à Gerbert, consacrée par Elbode, évêque de Wisbury, à disserter sur les doctrines géométriques de Macrobe; il me semble naturel de penser que cet Elbode soit l'auteur inconnu de la Géométrie publiée par Gronovius.

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ALPHONSE MAHUL,

LACRYME ELEGIACE.

EPISTOLA PRIMA.

AD PONTICUM FLACCUM.

LENIA ut accepi blandæ solamina chartæ,
Continuo lacrymis est mora, Flacce, meis.
Explicuit frontem ratio, suspiria sensim
Älta laborantes deseruere sinus.

At quoties Catharine et dulce et amabile nomen,
Me miserum! ah quoties lumina moesta legunt,
In fletus iterum percusso pectore solvor,

Pallidulasque rigat lacryma sueta genas.
Occurrit Catharina et cara et dulcis imago,
Paci animæ nostræ, væ mihi! cara nimis;

1 Bibliotheca Coisliniana, in-fol., p. 520.

2 Vid. dans le T. 3. contenant les Mss. Grecs les Nos 963, 1000. 1603. 1772. 1868. (ce No renferme deux Mss. de la traduction de Planude) 2070. Ces Mss. sont des 140 15e et 16e siècles. Le No 1000. provient de la bibliothèque de Colbert.

3 Historia Critica Philosophie, T. 3. p. 566. CI. JI.

VOL. XX.

NO. XXXIX.

H

Occurrunt veneres et pulchræ gratia formæ,
Quique erat in læto plurimus ore decor.
Occurrunt animi dotes mihi, amorque, fidesque,
Quicquid et in fida conjuge dulce fuit.
His mihi direptis, quorsum solatia tendunt
Quæ mihi misisti lenia, Flacce, tua?
Temporis, ah! celeres quis scit remorarier alas?
Præteritos iterum quis revocare dies?

Quis te de gelido, Catharina, ciere sepulchro ?
Quis dare in amplexus brachia sueta meos?
Nil lætum, nil jam optandum, vel amabile restat :
Deliciæ vitæ deperiere meæ.

Quo jacet in tumulo Catharina flebile corpus,
Gaudia, me miserum! cuncta sepulta jacent.
Jam mihi vitam ægram noctesque diesque trahenti
Est reliquum, præter flere, dolere, nihil.
Quo me cunque feram uil est non triste videndum ;
Nil unquam, nisi cum morte resolvar, erit.
Sæpe graves potu conor depellere curas,
Dum molli abluitur serior hora mero.
Ast hilares inter dum funditur uva sodales,
Non mihi potanti me fugitare licet.
Sæpe hortos æger vernos agrosque pererro;
Sæpe peto fontes prætereuntis aquæ.
At curis agri et fontes alimenta ministrant,
Ægramque in mentem gaudia prisca ruunt.
Sæpius hic tecum, Catharina, errare solebam,
Dum manui fidæ fida revincta manus.
Sæpe sub hac olim fessi requievimus umbra,
Dum blando amplexu colla tenenda dabas.
Sæpius has præter taciti consedimus undas,
Lætitia trepidi dum micuere sinus.
Præterita infelix cur autem gaudia narro,
Quæ mentem exagitant non reditura meam?
Quid prodest tecum, Catharina, fuisse beatum,
Tu me si, demto fine, carenda fugis?
Nos temere ingratas effundimus cre querelas,
Immemores animas prævaluisse neci.
In cœlis castos fidosque beabit amantes
Purior, æthereus, non solüendus amor;
Castior amplexu qua te, Catharina, tenebo,
Et qua terrena te sine labe fruar.
Spem lætam rerum meliorum hæc pascet imago,
Hæc fallet longos spes pretiosa dies.
O utinam tacite cæco, dulcissima conjux,

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