velle odeur aux fleurs; mais que comme cela lui importoit peu, elle fourniroit une nouvelle matiere à fes contemplations. Je laiffe à juger ce qu'un homme auffi impatient & auffi orgueilleux que Celfe dut penfer d'un pareil meffage. Flatté & mortifié tout à la fois, il le relut & l'étudia attentivement. Il fe mit à la place de la coquette qui l'avoit écrit. Il fit ce qu'un homme, moins, fat que lui, n'auroit peutêtre pas fait à fa place. Il entra dans fes idées, & ne fut embarraffé qu'à l'égard du motif qui la faifoit agir. Il n'avoit pas l'efprit affez fort pour le pénétrer. Il reconnut une légereté affectée dans ce qu'el le lui écrivoit, mais qui n'étoit point incompatible avec l'amour. Il trouva qu'elle étoit fondée dans ce qu'elle difoit, & il prit au férieux ce qu'un homme moins prévenu en faveur de fon mérite auroit regardé comme une pure raillerie. Il penfa jufte; la dame l'aimoit, elle avoit envie qu'il la vînt voir, & elle crut qu'il le feroit. Celfe avoit été toute la vie un fat, & il le fut dans cette occafion, comme il l'avoit été dans quantité d'autres. Il avoit, entr'autres défauts, celui de ne pouvoir fe taire, lors fur-tout que fa gloire y éroit intéreffée. Dans l'impatience où il étoit de ne pouvoir la montrer en qualité d'efclave à Ranelagh, il fut ravi, lorfqu'on s'informa où elle étoit, d'être le feul qui pût dire où elle étoit allée. Sa vanité en fut flattée. Il répondoit à tous ceux qui le queftionnoient là-deffus; & lorfque fes amis, pour flatter fon orgueil, lui demanderent comment il avoit fait pour être auffi inftruit des fecrets de Lyce, il hocha la tête, & leur dit qu'il devoit l'aller joindre. Quoique Celfe n'eût point de rivaux, il ne manquoit cependant pas de gens qui auroient voulu l'être. Ceux qui haïffoient Lyce, envioient à un homme qu'ils haïffoient auffi, l'honneur d'être bien avec elle; & ceux qui l'avoient follicitée pendant des mois & des années, fans pouvoir réuffir, furent fâchés qu'il l'eût obtenue au bout d'une femaine. Ceux qui n'ont pas l'ame affez généreufe pour fe venger en gens d'honneur, ne manquent jamais de moyens bas pour tirer raifon des infultes qu'on leur fait. Le fonge doré de Celfe étoit destiné à s'évanouir par l'influence d'un de ces anragonistes obfcurs. Il avoit pris fon habit de cheval, fa chaise de pofte étoit à la porte, fes domeftiques l'attendoient, & Celfe monta dedans. Un homme auffi incapable de déclarer fa paffion à la dame, fon reffentiment à fon rival, corromque pit le poftillon; & Celfe, enféveli dans la rêverie d'un tranfport qu'il croyoit devoir bientôt fe réalifer, fe trouva, viron uue demi-journée de chemin, renverfé dans une fablonniere. à en Le poftillon fut bleffé, faute d'avoir bien pris fes précautions, & Celfe eut le bras caffé fous le brancard. Le poftillon fut fi fenfible aux foins qu'il prit de lui, qu'il lui avoua la vérité. L'auteur de cet accident en ayant eu avis, n'eut que le temps de s'échaper. Celfe fut donc obligé de faire favoir à fes dames la raifon qui l'empêchoit de les aller voir. Lyce prit beaucoup de part à fon accident, & pour fe dédommager de fa compagnie, elle lui écrivit plufieurs lettres de condoléance, dans lesquelles elle l'inftruifoit à cœur ouvert des fentiments qu'elle avoit pour lui; mais dans des termes fi affectés & fi railleurs, qu'il eût été facile à tout autre que Celfe de voir qu'elle fe moquoit de lui. Elle ne put dormir, tant qu'elle le fut en danger. Elle lui envoyoit tous les jours des exprès, non feulement parce qu'elle s'intéreffoit à fa fanté, mais parce que la fienne fe reffentoit de la bleffure qu'il avoit reçue. Elle lui marquoit qu'elle ne pouvoit être tranquille, jufqu'à ce qu'elle fút affurée que fa tendreffe pour elle ne l'avoit pas engagé à lui repréfenter fon accident moins dangereux qu'il ne l'étoit. Telles étoient les déclarations qu'elle lui faifon elles étoient conçues dans des termes trop étudiés pour pouvoir croire. qu'elles fuffent férieufes; mais elle favoit qu'il lui feroit facile de rompre tous les engagements qu'elles paroiffoient renfermer, en lui prouvant par de bonnes raifons qu'elles n'étoient qu'un fimple badinage. Celle découvrit la fource de toutes ces politeffes; il reconnut à quoi elles tendoient; il vit le but qu'elle fe propofoit en les lui faifant. Il s'imagina que la dame l'aimoit effectivement, qu'elle avoit def fein de l'engager de plus en plus, mais il vit en même temps qu'elle s'ôtoit toure excufe aux yeux du public. Il comprit le rôle qu'il devoit jouer ; & il lui répondit fur le même ton. Il lui marqua qu'il ne faifoit cas de fa vie, que parce qu'elle s'y intéreffoit; qu'il étoit confus qu'elle ofất lui déclarer fa paffion d'une maniere fi franche & fi ouverte;il la pria de lui donner cette confolation qu'elle fembloit lui promettre, l'affurant que c'étoit le meilfeur remede qu'elle pût employer pour calmer fa douleur; il finiffoit par lui dire qu'il ne feroit guéri, que lorfqu'il auroit le bonheur de la voir; que c'étoit là le terme de ses maux, & non point celui que les chirurgiens avoient affigné. Celfe ne fut point trompé, en fuivant le plan qu'il s'étoit forme.Il l'engagea par cette raillerie affectée, à s'ouvrir de plus en plus. Elle lui répondit qu'elle s'eftimoit heureufe de pouvoir ouvrir fon cœur, tout caché qu'il étoit, même à la perfonne à qui elle écrivoit: elle s'exprima avec plus de chaleur qu'elle n'avoit encore fait ; & elle épuifa enfin toute fon éloquence pour lui dépeindre ce qu'elle fentoit, quoi qu'elle n'eût intention de fe lier, qu'autant que fon inclination la porteroit à le faire. Elle favoit quels étoient fes fentiments dans le temps même qu'elle lui écrivoit ainfi, & elle crut s'affurer des fiens par fes réponses. La rufe |