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noient fouper aux armes d'Angleterre. Telle eft la vie que menoient nos deux amants. Leurs domeftiques mangeoient des faifans, & buvez du vin de Bourgogne. Cela joint à la dépenfe des habits, aux préfents que l'amant faifoit à fa maîtreffe, aux dettes imaginaires qu'il acquittoit, & aux générofités qu'il faifoit à ceux de fa connoiffance qui étoient dans le befoin, mettoit un fi bon ordre dans fes comptes, qu'il ne daignoit pas même les regarder. Il lui en auroit couté de les examiner, le mal étoit irréparable, & il l'augmentoit encore par fes nou velles extravagances; mais peu lui importoit, pourvu qu'il vécût noblement.

Il reçut quelques jours après une lettre qui lui apprit que fon maître étoit en chemin pour retourner à Londres. Le jeune homme comprit qu'il étoit perdu; mais il étoit trop attaché à fa maîtreffe, pour prendre la fuite. Il avoit oui parler des fortunes que l'on faifoit au jeu dans une feule nuit. Il mit dans fa poche pour mille livres sterling de billets, & s'en fut dans un endroit où l'on donnoit à jouer. Il regagna une fomme fuffifante pour remplacer celle qu'il avoit mangée. Il eut

affez de prudence pour aller rejoindre fon maître plutôt que fa maîtreffe. Il vit le précipice d'où il s'étoit tiré, & il ne fut pas tenté d'y retomber. Il employa le temps qui lui reftoit à régler fes comptes, & fi, lorfque le marchand fut de retour, il ne put lui en rendre un aufli bon de la vie qu'il avoit menée, il fatisfit du moins au principal point. Son maître prit une entiere confiance en lui, & le chargea de fes affaires.

M. Bragg fe voyant aimé de fon maître, & généralement eftimé de fes compatriotes, mena un an ou deux une vie irréprochable. Il avoit déclaré fa réfolution à fa maîtreffe, & elle ne balança point à fe rendre à fes raifons. Quoiqu'elle n'eut point profité du gain qu'il avoit fait au jeu, elle ne laiffa pas de le féliciter de la fortune qui lui étoit affurée, & elle en fut d'autant plus ravie, qu'elle espéra pouvoir profiter un jour de la fituation dans laquelle cette fortune inattendue

l'avoit mis.

Tels étoient les fentiments de cette charmante maîtreffe. Bragg, de fon côté, fe rappellant le danger qu'il avoit couru n'en goûta que mieux fa fituation pré

fente. Il répara par fon affiduité la fauffe démarche qu'il avoit faite. On l'introdui fit chez une famille opulente, & fes parents fe cottiferent tous, pour lui faire une fortune, finon égale, du moins proportionnée à celle de la demoiselle qu'on lui avoit propofée en mariage.

Ses affaires fe rétablirent, & fa bonne conduite le fit aimer de la demoiselle qu'il recherchoit. On parloit publiquement de leur mariage. Il'accompagnoit à l'églife; il foupoit tous les foirs avec elle, & il la menoit au bal. Les parents lui propoferent une partie à Vauxhall, & il l'accepta, perfuadé qu'un moyen de fe l'af furer, étoit de paroîtte en public avec elle. Un foir qu'il y étoit, la créature mer cénaire, qui l'avoit ci-devant jetté dans l'embarras où il s'étoit trouvé, vint fe placer vis-à-vis de l'endroit où il étoit. Elle le fixa, il baiffa les yeux, & les parents s'en aperçurent. Le pere, la tante, la demoiselle elle-même, voulurent favoir la caufe de fon embarras. La créature, qui avoit occafionné ce défordre, n'étoit pas du nombre de celles dont la profefKon eft écrite fur leurs fronts: elle étoit de la haute claffe, & il n'eft pas éton

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tint par le bras, & le conjura de vouloir écouter ce qu'elle avoit à lui dire.

⚫ Ces fortes de femmes font ordinairement diffimulées; elles connoiffent par expérience toutes les avenues du cœur humain. Bragg étoit extrêmement fenfible, &, qui plus eft, il n'avoit aucune expérience. Il prêta l'oreille à fes difcours féducteurs; il fentit renaître fa paffion pour elle; il l'écouta, & il retomba dans fes fers. Il ne pouvoit être long-temps abfent; ils fe quitterent, avec promeffe de fe revoir le foir. Ce jeune homme aveuglé vit le précipice devant lui, & y tomba. Au lieu de faire fes excufes à la famille, il avoua l'engagement qu'il avoit, & pour juftifier fa perfidie, il prétendit, qu'outre la fortune de fa dame, qui étoit fort fupérieure à celle de fa dernière maîtreffe, il avoit pris avec elle des engagements qu'il lui étoit impoffible de rompre.

Dès ce moment, tous ceux qui le connoiffoient, conçurent du mépris pour lui. Sa maîtreffe fut la feule qui lui resta attachée.

Il étoit impoffible au jeune homme de vaquer à fes affaires depuis l'attachement qu'il avoit conçu pour cette méchante

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