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Plus tu vantes ici ce fruit nouveau pour moi,
Dont les sucs n'ont encor divinisé que toi,
Et plus je dois douter. Mais réponds-moi, sa tige
Croît-elle loin de nous? où trouver ce prodige?
En arbres si divers ces lieux sont abondants!

Mon œil voit tant de fruits à leurs branches pendants!
La terre en est prodigue; et quelque jour, peut-être,
D'heureux cultivateurs une race doit naître,
Qui de ces plants nombreux de leurs fruits surchargés
Dépouilleront enfin les rameaux soulagés. »

L'astucieux serpent, que ce prélude enchante,
Lui répond: « O ma reine! ô beauté ravissante!
Cet arbre n'est pas loin: près de ces lieux chéris,
Par-delà ces bosquets et ces myrtes fleuris,
Dans ces lieux arrosés d'une fraîche fontaine,
Un doux et court chemin t'y mènera sans peine;
Et si ta volonté ne s'y refuse pas,

Moi-même avec plaisir je conduirai tes pas. »

«Eh bien! dit-elle, allons. » L'auteur de sa ruine, Presque sûr du succès, aussitôt s'achemine, Glisse rapidement, rampe moins qu'il ne court, Et même en serpentant rend le chemin plus court: L'espoir brille en ses yeux, il relève sa tête; D'un rouge plus ardent il enflamme sa crête. Telle, enfant des marais, une humide vapeur S'embrase dans la nuit; de son phare trompeur Le voyageur séduit voit la lueur sinistre, Des esprits malfaisants pernicieux ministre :

To bogs and mires, and oft through pond or pool;
There swallow'd up and lost, from succour far.
So glister'd the dire snake; and into fraud
Led Eve, our credulous mother, to the tree
Of prohibition, root of all our woe;

Which when she saw, thus to her guide she spake:

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Serpent, we might have spar'd our coming hither, Fruitless to me, though fruit be here to' excess, The credit of whose virtue rest with thee; Wondrous indeed, if cause of such effects. But of this tree we may not taste nor touch; God so commanded, and left that command Sole daughter of his voice; the rest, we live Law to ourselves; our reason is our law. »

To whom the tempter guilefully replied:

« Indeed! hath God then said that of the fruit
Of all these garden-trees ye shall not eat,
Yet lords declar'd of all in earth or air? »
To whom thus Eve, yet sinless: « Of the fruit
Of each tree in the garden we may eat;
But of the fruit of this fair tree amidst
The garden, God hath said, ye shall not eat
Thereof, nor shall
ye touch it, lest ye die."

She scarce had said, though brief, when now more bold The tempter, but with show of zeal and love

Malheureux ! à travers la vaste obscurité,

Il marche, il erre, il suit l'infidéle clarté;
Et, de l'astre perfide ignorante victime,

Tombe englouti dans l'onde, ou plongé dans l'abîme.
Ainsi brilloit Satan: tel, vers l'arbre fatal,

Auteur de notre perte, et la source du mal,
Il conduit la jeune Ève; elle le voit, s'arrête:

« Serpent, garde pour toi ta brillante conquête,
Lui dit-elle: ce fruit si beau, si merveilleux,
Qui transforma ton être et qui t'ouvrit les cieux,
Le toucher seulement pour moi seroit un crime.
De tous les autres fruits l'usage légitime
Nous fut abandonné par le supreme roi:
Son ordre est la raison, la raison notre loi. »

<< Eh quoi! répond Satan, vous, les maîtres du monde, Parmi les fruits divers dont ce jardin abonde,

Il en est que le ciel interdit à vos mains! >>

— «< Eh bien ! qu'ont de cruel ces ordres souverains?

Dieu nous laissa d'Éden la libre jouissance:

Des présents infinis que nous fait sa
fait sa puissance,
Cet arbre, qui s'élève au centre du jardin,
Est lui seul excepté par son ordre divin;
Gardez-vous d'y toucher! nous a-t-il dit lui-même,
Autrement vous mourrez. » De son vil stratagème
Déguisant la noirceur sous un air d'amitié,
L'affreux Satan poursuit; dans sa fausse pitié
Il plaint l'homme opprimé par une loi sévère,
Du juste courroucé feint la noble colère;

To man, and indignation at his

wrong,

New part puts on; and, as to passion mov'd,
Fluctuates disturb'd, yet comely and in act
Rais'd, as of some great matter to begin.

As when of old some orator renown'd,

In Athens or free Rome, where eloquence

Flourish'd, since mute, to some great cause address'd,
Stood in himself collected; while each

part,
Motion, each act, won audience ere the tongue;
Sometimes in heighth began, as no delay
Of preface brooking, through his zeal of right:
So standing, moving, or to heighth up grown,
The tempter, all impassion'd thus began:

O sacred, wise, and wisdom-giving plant,
Mother of science! now I feel thy power
Within me clear: not only to discern
Things in their causes, but to trace the ways
Of highest agents, deem'd however wise.
Queen of this universe! do not believe

Those rigid threats of death: ye shall not die:

How should you?-by the fruit? it gives you life

Sur le large contour de son corps tortueux
Il s'assied, il élève un front majestueux;

Et son air, son regard, le beau feu qui l'anime,
De son adroit discours sont l'exorde sublime.
Ainsi, parmi les Grecs ou ces fameux Romains,
Quand Rome, libre encor, commandoit aux humains,
Du geste, du regard la muette éloquence,
D'avance du discours préparoit la puissance:
Des plus grands intérêts profondément rempli,
L'orateur en soi-même un instant recueilli,
Méditoit de son art les brillantes merveilles;
Par le plaisir des yeux prévenoit les oreilles,
S'arrêtoit à propos, se taisoit à dessein,
S'exprimoit du regard, et parloit de la main;
Tantôt insinuant, circonspect et timide,
Préludoit lentement: tantôt brusque et rapide,
Et d'un exorde adroit dédaignant les lenteurs,
Partoit comme l'éclair, et tonnoit dans les cours.
Tel prélude Satan, tel il rompt le silence,

Et déploie en ces mots sa funeste éloquence:

"

Arbre sacré, dit-il, où germe le savoir,

Apprends de moi ta force et connois ton pouvoir;
C'est par toi que j'ai su des mystères du monde
Déchirer le bandeau, chasser la nuit profonde,
Senti chaque beauté, connu chaque ressort.
Reine de l'univers, eh quoi! tu crains la mort!
Mais d'où pourroit venir son atteinte funeste?
Est-ce de ce beau fruit? cet aliment céleste,

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